Ce soir nous avons parlé.
Par écrans interposés. Whatsapp est la peau de chagrin de notre histoire zombie.
Nous, c'est un néant incompressible. Un rien qui a le poids de tout, et qui par-dessus tout refuse de mourir.
Car je suis incapable de te tuer. Comme incapable de t'aimer d'ailleurs. Il faudrait pour choisir l'une des deux actions, que j'arrive à me mettre en tête qu'il y a d'autres poissons dans l'océan.
Bah non. Y a plus de poissons. D'ailleurs y a plus d'océan non plus. Reste une flaque colorée à mon aigreur de méthane, que six ans d'enfermement progressif n'ont fait qu'assécher.
Ce soir le dernier des poissons avait beaucoup d'arêtes qui me restent en travers de la gorge.
Parce que tu reviens, comme un mauvais reflux.
Parce que je ne sais plus émettre un refus.
Parce qu'après toi je ne serai que reclus.
Et que de toi je ne serai jamais repus.
Je m'enfile ces vers comme tu as bu les tiens le jour où tu m'as recontacté. Et ça n'était que ça, qu'un moment d'ivresse, mais pas de faiblesse. Ça n'est toujours que ça.
«Ça valorise de parler à un monstre», m'as-tu dit ce soir. En ce moment j'ai plutôt besoin qu'on oublie que je suis un monstre. Mais je crois que me traiter de monstre va me faire ressortir plus humain.
C'est peut-être ta façon de m'aider. Du vinaigre sur des plaies ouvertes.